randonnee
Aux confins du désert marocain
L'avantage du désert, c'est qu'il nous libère du superflu et nous impose le nécessaire.
Pierre-Antoine Eldin
11 novembre 2021
« Le désert est une terre de beauté, inutile et irremplaçable. » Albert Camus
Le désert m’a toujours fascinée, étendue immense, épurée, silencieuse, loin de l’agitation du monde. J’ai depuis longtemps rêvé de partir marcher au coeur de ces paysages infinis, où l’horizon est sans cesse repoussé vers un espace non jalonné par l’homme, où il n’y a rien semble-t-il ; mais ce n’est peut-être qu’une apparence…
Pour cette première expérience dans le désert, Philippe et moi choisissons de partir avec Terdav, une agence de voyage française avec laquelle j’ai fait l’ascension du Kilimandjaro ( voir
Ascension du Kilimandjaro ) sur le circuit « Les confins du Sud marocain », un trek de 6 jours entre oasis, dunes et plateaux caillouteux.
11 novembre 2022
Départ d’Orly pour Ouarzazate avec Transavia, trois heures de vol et nous voilà sous un beau ciel bleu et une douce chaleur de 26 degrés. Nous faisons connaissance de Mohamed qui sera notre guide ainsi que de nos compagnons de randonnée. L’après-midi est libre et nous en profitons pour nous promener dans Ouarzazate, « la ville sans bruit ». Et c’est vrai qu’elle est tranquille cette ville avec sa magnifique Kasbah de Taourirt, classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
12 novembre 2022
Ouarzazate – M’Hamid El Rhizlane
Départ à 9h de notre hôtel en mini bus pour la vallée du Drâa, plus long fleuve du royaume avec avec ses 1100 kms. La route est belle, en très bon état. Elle nous offre des vues magnifiques sur le fertile oued Drâa et ses oasis où sont cultivés palmiers-dattiers et oliviers. Nous passons par le col de Tizi-n-Tinifitt 1660M, les villes de Agdz, Zagora, Tamegroute et Tagounite. Au milieu de nulle part, nos mini bus s’arrêtent et Brahim, notre cuisinier, improvise un pique-nique à l’ombre d’un tamaris. Puis nouvel arrêt dans un village pour acheter des bonbonnes d’eau et quelques babioles, dont un chèche que je porterai presque tout le temps. Après un peu plus de quatre heures de route, nous arrivons à M’Hamid El Ghizane, 600 mètres d’altitude, dernier village avant le désert, le bout de la route, le départ de notre trek.
M’Hamid, la plaine des gazelles, est la dernière oasis avant la grande traversée du désert ; Tombouctou au Mali est à 52 jours de marche. Nous laissons les voitures et prenons nos petits sacs à dos afin de rejoindre notre premier bivouac. Nous traversons la partie la plus ancienne de M’Hamid avec ses ruelles et ses maisons en pisé.
À la sortie du village, nous commençons à marcher sur un plateau caillouteux avant de rejoindre les premières dunes. Nous passons non loin du mausolée d’un sage : le marabout Sidi Naji. Nous atteignons notre bivouac après 6 kilomètres et 1H40 de marche. Les chameliers ont monté les tentes sur un emplacement plat entouré de dunes, deux grandes appelées khaima pour la cuisine et la « salle à manger » et des plus petites pour dormir. Brahim nous a préparé le thé à la menthe. Les dromadaires (une seule bosse, il n’y a pas de chameaux en Afrique) broutent dans leur coin. Durant ces 5 jours de marche, ils porteront nos bagages, l’eau, les tentes et tout le matériel nécessaire à la confection des repas.
Après le diner, nous montons au sommet d’une dune proche, nous nous allongeons dans le sable et plongeons nos yeux dans la nuit noire illuminée de myriades d’étoiles. C’est un spectacle extraordinaire, fascinant. Mon esprit s’évade et je prends conscience que je suis une toute petite chose dans cette immensité.
13 novembre 2022
M’Hamid – Erg Aït Ounir
21kms – 6H de marche
Nous sommes réveillés vers 7h du matin par le jour qui se lève. Nous avons dormi sous la tente mais à partir de la nuit prochaine nous dormirons à la belle étoile. Brahim prépare le petit déjeuner et les chameliers s’activent à démonter le camp et charger les dromadaires. Nous utilisons un peu de l’eau que nous avons achetée pour faire une toilette succincte. Mohamed nous voulait prêts à 8h30 mais ce premier matin, nous mettons un peu de temps à nous préparer et à ranger nos affaires. Aujourd’hui, cap à l’ouest, nous traversons le reg Bousnina et nous nous enfonçons un peu plus dans le désert marocain.
Nous marchons dans un paysage de sable et de regs parsemé de quelques arbustes. Les dunes sont comme de grandes vagues immobiles à la courbe parfaite. En silence, en ne pensant à rien, ou en discutant, nous avançons tranquillement dans un décor minéral sous un soleil éclatant.
L’heure du déjeuner sous un tamaris nous procure une pause bien agréable. C’est un moment de convivialité et de partage. Mohamed nous raconte son Maroc. Puis c’est l’heure d’une petite sieste appréciée.
Ce soir, arrivés au bivouac, nous installons nos matelas sur une dune non loin du campement. La nuit tombe vite et le froid avec. Nous nous emmitouflons dans nos duvets. Sans toit au-dessus de nous, sans aucune pollution lumineuse, dans un profond silence, le ciel, sans fond, immense, s’ouvre sur les étoiles de la Voix Lactée et nous offre un spectacle fabuleux. Nous nous amusons à repérer les planètes, Jupiter figé au-dessus de nous, Pluton pas très loin. Nous guettons les étoiles filantes. Puis peu à peu, la lune se lève et nous éclaire de sa lueur apaisante. Les dromadaires aussi se sont installés pour la nuit.
Tout est calme.
« Celui qui ne connait pas le silence du désert ne sait ce qu’est le silence. » Proverbe Touareg
14 novembre 2022
Erg AïT Ounir – Erg Zaher
12,30 kms 4h30 de marche
Ce matin, nous prenons la direction de l’erg Zaher et des plus belles dunes de cette partie du désert marocain. Aujourd’hui je ferai une bonne partie du chemin pieds nus. Le sable est fin et doux. C’est un grand plaisir de marcher sans chaussures. Les pieds s’enfoncent dans le sable chaud qui s’écroule sous les pas. Le soleil resplendit sur les dunes qui s’étendent jusqu’aux limites de l’horizon. Au fur et à mesure que nous progressons, la végétation se fait de plus en plus rare. Nous avançons sur un chemin invisible avec pour seule boussole une dune au loin, plus haute que les autres, « la dune de la chance ». C’est près de cette dune que sera installé notre campement ce soir.
Au loin, la chaine du Kraab marque la frontière avec l’Algérie.
En fin d’après-midi, après être arrivés à notre bivouac, nous entreprenons l’ascension de « la dune de la chance ». Le panorama est grandiose. Le soleil décline peu à peu vers l’horizon et le ciel devient rose orange. Nous assistons à un magnifique coucher de soleil. Presque immédiatement, il fait froid et nous enfilons nos doudounes.
En revenant au camps, nous trouvons Brahim installé devant un feu caché sous le sable. Une fois le sable bien chaud, il enlève les braises, glisse une pâte à pain puis le recouvre de sable chaud. Une vingtaine de minutes plus tard, il le sort et l’essuie soigneusement. Le pain de sable est prêt. Au milieu du désert, ce pain chaud est délicieux.
Après le diner, nous nous glissons dans nos sacs de couchage. Partout autour de nous, un silence infini, comme s’il n’y avait que nous sur terre et au-dessus, le ciel sans fin, paré de milliards d’étoiles scintillantes. Moment de grâce et de gratitude…
15 novembre 2022
Erg Zaher – Erg de Smar et Sadrat
19 kms – 5H30 de marche
La lumière est belle au petit matin lorsque nous nous réveillons aux creux des dunes et que peu à peu la nuit laisse place au jour. Bien protégés dans nos duvets, nous n’avons pas froid mais sortir de ce cocon est une épreuve. Mon Applewatch indique 7 degrés. Certains d’entre nous sont déjà debouts en train d’admirer le lever du soleil ou de faire du yoga. Ce matin, nous déambulons, toujours pieds nus, dans des dunes spectaculaires aux formes uniques, dessinées par le vent.
Puis nous nous dirigeons plein nord jusqu’à l’oued Drâa dont nous suivons le lit pendant quelques kilomètres. Il est complétement asséché depuis qu’un barrage a été construit près de Ouarzazate en 1971. Nous passons à côté des ruines d’un village abandonné et de son puit à sec. Plus loin près de l’erg Smar, un projet écologique de culture essaie de prendre forme. Quelques dromadaires se promènent dans l’oued à la recherche de nourriture.
Ce soir au bivouac, Brahim nous refera du pain de sable. Autour du feu, nous commençons à chanter puis Mohamed et les chameliers se joignent à nous et nous offrent des chants berbères accompagnés de bidons et de plats en guise de percusions.
16 novembre 2022
Erg de Smar – Erg Bouguerne
16 kms – 5H30 de marche
Aujourd’hui, dans un premier temps, nous partons plein nord vers l’oued El Attach, la rivière de la soif. Après être passés par des petites dunes, nous traversons un long plateau de sable dur et craquelé, un reg, parsemé de plantes diverses, dont le Calotropis procera (pommier de Sodome) dont la sève, nous explique Mohamed, est toxique mais qui peut aussi servir à soigner les dromadaires.
Calotropis procera ou pommier de Sodome
Nous déjeunons près d’un puit d’où nous pouvons tirer de l’eau et donner à boire aux dromadaires.
« Ce qui embellit le désert c’est que quelque part un puit y est caché. » Antoine de Saint Exupéry
Dans l’après-midi, le paysage a changé, nous marchons au milieu d’une vaste étendue aride couverte de pierres brisées par le soleil. Nous dormirons près de petites dunes.
17 novembre 2022
Erg Bouguerne – Ouarzazate
4,30 kms – 1h de marche
Ce matin, dernier jour de notre trek, nous allons retrouver la civilisation. Les chameliers démontent le camps pour la dernière fois.
Pour notre dernière matinée de marche, nous suivons une piste de 4X4 qui traverse le désert.
Carte de notre parcours et du sud du Maroc.
A notre retour à Ourzazate, Mohamed nous a emmenés dans un hamman typique où nous avons pu avec délice nous laver de la tête aux pieds.
Un immense merci à Mohamed qui nous a guidés en toute sécurité tout au long de ce trek et nous a fait découvrir la culture berbère. Merci à Brahim, notre cuisinier, pour sa gentillesse, son sourire et aux chameliers toujours prêts à nous rendre service.
Je remercie chaleureusement Annabelle, Didier, Dominique, Jean-Paul, Jean-Louis, Mathilde et Mathilde, Sarah. Ils ont été de très agréables et sympathiques compagnons de marche, toujours de bonne humeur et bienveillants. Un remerciement très spécial à Philippe qui a accepté de partir avec moi pour partager cette magnifique aventure. Ce voyage restera longtemps dans ma mémoire.
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
Ce trek dans le Sahara marocain ne présente pas de difficultés particulières pour qui aime marcher et accepte une vie simple et un peu rustique. Les tentes ne sont pas très grandes, il y a juste la place pour y mettre les 2 matelas et les sacs. Mais j’ai de beaucoup préféré dormir à la belle étoile bien enmitouflée dans mon duvet. Je sentais juste un filet d’air qui me passait sur le visage. Par chance, nous n’avons pas été impotunés par des bestioles ou par le vent de sable.
En ce qui concerne l’hygiène personnelle, c’est une toilette de chat avec juste un peu d’eau et des lingettes. Ce n’est pas trop génant car on transpire peu dans le désert. Nous avions acheté chacun une vingtaine de litres d’eau avant de partir. Si c’était à refaire, j’en achèterais davantage pour me raffraichir un peu plus en fin d’après-midi.
Lorsque je ne marchais pas pieds nus, je portais, avec des chaussettes, des sandales de randonnée ouvertes devant et derrière afin de laisser le sable glisser.
Durant la journée, il faisait chaud et je me suis toujours protégée avec des manches longues et même des gants anti UV. J’ai aussi porté presque tout le temps le chèche que j’avais acheté en route.
Essentiel et indispensable à emporter:
– une poche à eau, plus pratique qu’une gourde car toujours disponible
– une couverture de survie
– une lampe frontale
– un sifflet accroché au sac à dos
– un briquet et du papier hygiénique
– de la crème solaire 50 SPF et de la crème hydratante car la peau se désèche vite
– une bande élastoplaste
Pas forcément indispensable mais on ne sait jamais:
– un bonnet pour la nuit
– un oreiller gonflable avec sa taie en soie…
– des chausettes qui ont déjà vu du pays et qu’on pourra jeter à l’arrivée
– une batterie externe
– des sachets plastiques pour protéger ses affaires
– un morceau de ficelle (ça sert à tout et à rien…et ça ne pèse pas lourd)
– un couteau suisse
La meilleure période pour effectuer ce trek va de novembre à avril. Les températures sont agréables dans la journée, un peu fraîches la nuit.
De nombreuses agences françaises ou marocaines organisent ce genre de trek avec plus ou moins de prestations.
Erg: grande dune de sable
Reg: désert de pierres et de cailloux
Oued: cours d’eau ou son lit lorsqu’il est asséché
Hamada: plateau surélevé