24 juillet 2016
J’arrive à Kilimandjaro Airport à 13h. Après des formalités relativement rapides malgré l’obligation de faire un visa, je fais la connaissance d’Abeid venu nous chercher et qui sera notre guide pour cette expédition. Il a fait plus de 400 fois l’ascension du Kilimanjaro, on peut lui faire confiance ! Après 2h de route, nous arrivons à Ilboru Lodge à Arusha. Briefing d’Abeid pour les jours à venir et vérification des sacs. Abeid veut s’assurer que tout le monde a le bon matériel notamment contre le froid. Dîner puis dernière douche avant 6 jours…
25 juillet 2016 1er jour
Machame Gate 1800m – Machame Camp 3000m
Dénivelé: +1200m Durée: 4h
Après un copieux petit déjeuner, nous partons de l’hôtel vers 9h. Dernière provision d’eau minérale dans une épicerie. En effet après ce sera eau et micropur. Nous montons dans le petit bus qui fera le ramassage de quelques porteurs et des 150kg de provisions pour la semaine. Nous arrivons à Machame Gate vers midi
Après le déjeuner, c’est le départ. Le chemin monte tranquillement à travers une forêt tropicale
26 juillet 2016 2ème jour
Machame Camp 3000m – Shira Camp 3840m
Dénivelé: +860m Durée: 4h
7h du matin, 7 degrés dans la tente. Frank, notre serveur, vient frapper à la tente avec du thé ou du café. C’est le premier sourire du matin et c’est lui qui viendra plusieurs fois par jour frapper à nos tentes : « breakfast is ready!, hot water for washing!, tea time, diner!…. »; lui qui nous servira à table tous les jours avec beaucoup de gentillesse. J’ai mal dormi je ne sais pas trop pourquoi. Il fait humide dans la tente. J’attrape mes vêtements que j’ai enfouis au fond de mon sac de couchage pour qu’ils ne soient pas trop froids. Je range toutes mes affaires dans mon grand sac. Petit déjeuner: crêpes, excellentes. Il fait un temps magnifique. Nous quittons le camp vers 8h. Abeid imprime un rythme très lent, et toujours » pole pole ». Le chemin monte à travers les rochers. Il nous faut souvent laisser la place aux porteurs qui nous doublent.
27 juillet 2016 3ème jour
Shira Camp 3840m – Lava Tower 4640m – Barranco Camp 3960m
Dénivelé: +800m – 680m Durée: 5h30
Il fait 5 degrés dans la tente quand je me réveille. Dur de sortir du sac de couchage. Il fait un soleil radieux. Abeid nous conseille de nous couvrir un peu plus en prévision des 4600m. L’allure est toujours aussi lente ce qui rend la marche facile. Le paysage est somptueux. Au loin, nous apercevons le Mont Méru, deuxième plus haut sommet de Tanzanie qui émerge des nuages.
J’essaie d’envoyer quelques sms du haut d’un rocher d’où on capte un peu de réseau. Presque tous les jours il sera possible d’attraper un peu de réseau. Après le déjeuner nous descendons vers Baraco camp, 3900m, à travers une très jolie vallée parsemée de sèneçons géants.
28 juillet 2016 4ème jour
Barranco Camp 3960m – Barafu Camp 4640m
Dénivelé: +700m Durée: 6h
Au petit matin, dans la tente, toutes mes affaires sont recouvertes d’une fine pellicule de poussière. Cette poussière, nous avons dû la supporter durant tout le séjour. Il fait toujours un temps superbe. Nous partons à 8h, direction Barranco Wall, la seule « difficulté » de ce périple. Le chemin se faufile entre les rochers et il faut parfois s’aider avec les mains pour monter. C’est plutôt amusant et malgré tout facile.
29 juillet 2016 5ème jour
Barafu Camp 4600m – Uhuru Peak 5895m – Mweka Camp 3100m
Dénivelé: +1300m -2795m Durée: 8h30 puis 1h30 jusqu’à Barafu Camp puis 3h45 jusqu’à Mweka Camp ouf…
A 22h30 Franck vient nous réveiller. C’est un peu stressée que je multiplie les couches vestimentaires: un tee-shirt X-bionic, un sous-pull Craft, un sous-pull à capuche Odlo en mérinos, une polaire, une doudoune et enfin ma veste en goretex Millet. Ça c’est pour le haut. Pour le bas j’ai un caleçon Skin, un caleçon en polaire plus mon pantalon de ski Schoffel. Je me dis que, équipée comme ça, je n’aurais pas froid. Erreur !!! Tout le monde se retrouve dans la tente mess pour un en-cas avant le départ. Les visages sont graves. L’heure de vérité est arrivée. Nous sommes venus pour vivre ce moment. On essaie de plaisanter pour se donner du courage mais on est tous plus ou moins stressé.
Cette nuit j’ai rendez-vous avec le Kilimandjaro.
La température est descendue à moins trois. Abeid donne le signe du départ. Ils sont 4 guides pour nous accompagner : Abeid, Lamsi, Guamaka et Essau.
Je suis en forme malgré le peu de sommeil. Abeid marche devant et imprime le rythme, « pole pole « . Nous marchons à la vitesse d’une limace neurasthénique. Ça me fait rire en y pensant mais je sais que c’est la clé de la réussite. La première partie est un peu difficile, Abeid nous avait prévenus. Il faut escalader des rochers. Ses adjoints passent leur temps à faire des allers et retours entre la tête et la queue du peloton pour nous aider à négocier les passages délicats. Ils sont vraiment formidables et forcent notre admiration. Il fait froid. Je pressens que ça va être difficile. La météo est idéale. La nuit est claire. Sur notre droite, la lune se lève. Le ciel étale son voile d’étoiles qui se confondent avec les frontales des marcheurs au dessus de nous. Nous avançons en silence, les yeux fixés sur les chaussures de celui qui nous précède. Je pense à tout ce qui m’a conduit ici. Jamais je n’aurais pu imaginer, lorsque, adolescente, je lisais les neiges du Kilimandjaro d’Hemingway, qu’un jour je monterais admirer l’Afrique du haut de son plus haut sommet.
Que l’on regarde vers le haut ou le bas, c’est une cohorte de petites lumières qui serpente lentement. Nous doublons des groupes déjà dans la difficulté. Certains guides chantent à tue-tête pour nous donner du courage. On se double et se redouble au gré des pauses. Nous avançons, tous tendus vers le même objectif : arriver en haut. Audrey, la plus jeune d’entre nous a du mal. Les guides lui ont pris son sac pour la soulager. Elle s’arrêtera vers 5400m ce qui est déjà un exploit et redescendra avec Lamsi. Rosy a froid aux pieds depuis le départ et ne cesse de taper ses chaussures contre les pierres à chaque pas. Je la plains. Arnaud aussi est en difficulté. Finalement il ira avec Olivier jusqu’à Stella Point, 5790m.
Jusqu’à 5500m, je suis bien. J’ai froid mais c’est supportable. J’ai pris un demi Diamox avant de partir. Aucun signe du mal aigu des montagnes. À partir de 5500m, je commence à être fatiguée. Nous marchons depuis plus de 6h avec de rares et courtes pauses à cause du froid. Les guides m’ont pris mon sac. Ma montre Suunto fait n’importe quoi, indiquant une vitesse ascensionnelle fantaisiste et surréaliste quant à ma progression verticale. Pour elle je suis déjà en haut de l’Everest!!! Impossible de lire l’altitude. Ça m’agace. C’est long, c’est haut.
Abeid nous avait dit: par moment, il y a des faux plats. On peut se reposer. Il a rêvé le garçon! Ça ne cesse de monter.
Abeid nous avait dit : l’ascension c’est 70% la tête, 30% les jambes. Sauf que j’ai l’impression d’être arrivée au bout des 70%! Ça n’en finit plus. Je me demande ce que je fais là. Le soleil commence à se lever alors que nous n’avons pas encore fini notre ascension.
C’est épuisée que j’arrive à Stella Point, 5790m. Il est 7h du matin. J’ai le visage boursouflé par l’altitude.
Sur la droite, le cratère est un paysage lunaire, immense, désertique.
Finalement seul l’iphone donnera l’altitude correcte.
Nous retrouvons nos tentes pour la dernière nuit. Nous avons soulevé beaucoup de poussière aujourd’hui. Je suis sale. Mes vêtements sont sales. Vivement demain et la douche !!!
Durant le diner, nous avons donné à Abeid une enveloppe contenant les dollars pour le pourboire. Le lendemain il me fera signer un papier sur lequel est indiqué la répartition de cette somme entre chaque guide et porteur.
30 juillet 2016 6ème jour
Mweka Camp 3100m – Mweka Gate 1640m
Dénivelé: -1600m -2795m Durée: 3h
Il fait 13 degrés ce matin. Dernier petit déjeuner. C’est l’anniversaire d’Olivier. Nos guides et porteurs lui ont préparé une surprise. Ils chantent et dansent. Nous dansons avec eux.
Dans la descente, dernière vue sur le Kibo. Nous étions là-haut hier!
A Mweka Gate, Abeid nous remet nos diplômes et nous remercie de leur avoir permis de travailler. Car c’est ça aussi l’ascension du Kili: une histoire commune entre des touristes qui ont un rêve et des tanzaniens qui ont besoin de travailler pour vivre.
Merci à Abeid pour son professionnalisme, sa gentillesse et ses conseils judicieux qui nous ont permis de réussir cette ascension.
Merci à toute l’équipe des guides et porteurs pour leur attention et leur bienveillance naturelle.
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES
Bien choisir l’agence avec laquelle on désire partir. Vérifier que les guides emportent avec eux de l’oxygène et un caisson hyperbare. L’un d’entre nous a eu besoin d’oxygène en descendant du sommet. Certaines offrent 3 repas chauds par jour, d’autres 2 seulement. Prévoir un pourboire, 100 à 120 dollars par personne pour le séjour pour un groupe de 10 ou plus, 150 dollars par personne pour les groupes moins nombreux. Bien se préparer physiquement de façon à profiter du séjour sans trop de douleur. Malgré cela, il faut savoir que, pratiquement tout le monde a du mal lors de l’ascension finale. Boire beaucoup tous les jours pour tenter d’éviter le mal aigu des montagnes. Diamox or not diamox? J’ai pris un demi comprimé 2 fois par jour à partir de l’avant-veille de la montée. Pas d’effets secondaires si ce n’est la première nuit, une envie d’aller uriner à 2 reprises. Jamais je n’ai eu mal à tête ou des nausées. Certains d’entre nous n’ont rien pris. De même qu’un léger somnifère, ça peut être utile si on n’arrive pas à bien dormir. Ne pas lésiner sur la qualité des vêtements. Sortir ses affaires de ski en plein mois de juillet pour aller en Afrique, ça paraît incongru mais c’est indispensable. Comme on marche lentement, on ne peut pas vraiment se réchauffer. Et là-haut, il fait vraiment froid. J’aurais aussi apprécié d’avoir un matelas supplémentaire mais ça c’est vraiment personnel.
9 commentaires
Merciiiii pour ton récit vivant ! On aurait envie d’y aller. Bravo à toi car c’est encore un sacré exploit de ta part. Je lis ton récit de plusieurs heures en 5 minutes, j’en suis presque gênée…))
Et merci pour les jolis photos !
Alors là, chapeau!!! Merci beaucoup pour ce récit tellement complet de votre ascension du Kibo et un grand bravo pour ce nouvel accomplissement. Cela fait rêver!
Tu es la meilleure et la plus forte des mamans! Je t’aime fort fort fort, tu ne cesseras jamais de m’impressionner. Ta pepette.
Super récit, c’est bien ce que nous avons vécu. Merci !
Un seul conseil, bien se couvrir contre le froid (lorsque le soleil tombe, la nuit dans son duvet et surtout pour l’ascension finale).
Chapeau bas, Anne, pour ce récit tellement « vrai ».
J’en rajoute une couche (cf. conseil de Jorge) : surtout, ne pas hésiter à prendre une doudoune « de trop ». Le froid en juillet est redoutable.
Bravo Anne pour ce reportage sobre et précis.
Ça ressemble à une nouvelle d Hemingway !
Départ pour Tokyo dimanche
Bisous
Bravo Anne !
C’était un beau challenge et une belle aventure et j’imagine le plaisir et le bonheur d’être arrivée là-haut.
En lisant ton récit et en regardant ces magnifiques photos, j’ai presque envie d’y aller…si tu m’accompagnes, bien-sûr (LOL !)
….Bon! En y réfléchissant, on se contentera de poursuivre nos petites ballades à Fausses-Reposes….
Ton récit est passionnant .Bravo et merci..Je peux témoigner qu’à ton retour tu étais en pleine forme .
Et moi étonné et ne voulant pas croire que la veille de ce jour de juillet tu étais encore là haut sur le toit de l’Afrique. Je n’en croyais pas mes oreilles .Anne encore bravo .Eric M.
Merci pour ces photos et ces commentaires. Le récit est vivant et, même si on n’y monte jamais, on aura presque l’impression de l’avoir gravie cette belle montagne !